Ce mois-ci, rencontre avec Christophe et Thomas, deux étudiants français en Erasmus qui se sont investis auprès d’Emmaüs dans divers domaines…
Bonjour ! Pouvez-vous vous présenter ?
Thomas : Je suis Thomas, avec Christophe on est tous les deux étudiants en architecture à Lille, et on a décidé de venir à Iași dans le cadre d’un Erasmus pour notre année de master. Je suis là pour 6 mois et Christophe pour un an. Nous avons 22 et 23 ans.
Comment s’est passée votre vie en tant que français à l’étranger et plus particulièrement en Roumanie ?
Christophe : On a été très bien accueillis par tout le monde en Roumanie, que ce soit par les étudiants, les gens dans la rue, dans les magasins, etc. En général, les gens ont une bonne image de nous, français, ce qui facilite le contact, je pense. […] Je n’ai jamais eu de problème ici. On s’insère relativement facilement et avec le sourire.
Les étudiants avec qui on était à la fac étaient des gens qui avaient choisi d’être en classe avec des Erasmus, avec des cours en anglais, donc ce sont des personnes qui étaient accueillantes et sociables.
Thomas : Oui en effet, moi je n’ai pas du tout appris le roumain après six mois et ça ne m’a pas empêché de parler avec des Roumains, grâce à l’anglais, la langue n’était au final pas une barrière. C’était un bon accueil.
Pourquoi avoir choisi la Roumanie ?
Christophe : On partage tous les deux cet intérêt pour les pays d’Europe de l’Est depuis quelques années, par la musique, la mentalité ici nous plait aussi. Et ça reste en Europe, c’est la porte à côté et il y a plein de choses chouettes. Dans notre école, personne n’était allé en Roumanie avant nous. Et pour l’enseignement de l’architecture, c’est un endroit suffisamment loin pour se sentir dépaysé mais pas différent au point qu’on apprenne des choses qui ne nous serviront jamais en France. […] Ça nous semblait bien en termes de distance géographique et culturelle.
Parlez-nous de votre expérience à la faculté d’architecture.
Christophe : Un exemple : ici le béton est le matériel réflexe. De notre côté, nous faisons des projets en terre et en bois, et c’est quelque chose qu’eux ne font pas ici. Cela nous entraîne à défendre ces matériaux avec des valeurs qui sont pour nous celles du futur. […]
Christophe : Oui, parfois ils étaient très réticents lors de nos présentations de projets, on a dû faire beaucoup d’explications. Par exemple, nous avons choisi de faire un projet de centre commercial en chirpici (mélange d’argile, de bouse et de paille), un matériau local roumain qui nous semble super, qui a tendance à se perdre. Cela nous semblait logique de prendre ce matériau, faire perdurer les savoir-faire etc. Or pour eux c’est le matériau du pauvre à la campagne, et là les deux « archis » français qui débarquent avec cette idée… Ici ils font des tours en béton, sans se poser de questions. Nous on ne voulait pas, alors il a fallu négocier. Le béton, ce n’est pas obligé.
Thomas : Ce n’était quand même pas évident de leur parler de leur propre culture, c’est délicat à communiquer. Parfois on n’osait pas trop dire… On ne se sentait pas totalement légitimes, puisqu’on venait d’ailleurs. Là, on ressentait la barrière de la langue, quand il fallait débattre sur des idées.
Et de manière plus globale, que retenez-vous de votre expérience ?
Thomas : Des bonnes rencontres ! Et puis on a pas mal voyagé, dans une bonne partie de la Roumanie et en Bulgarie.
Christophe : Oui, quand on parlait aux étudiants roumains ici de nos voyages, on s’est rendus compte qu’on avait plus voyagé qu’eux dans leur propre pays !
Des aspects négatifs ?
Christophe : Un manque d’informations parfois, comme quand on a voulu aller pêcher… Surtout les informations des institutions, on ne sait pas toujours où demander. Par exemple la poste. Même les Roumains ne savaient pas nous renseigner, eux ils le font sur internet. Mais chercher sur internet en français ne donne pas les mêmes résultats qu’en roumain. Après, il y a sûrement des associations, des choses pour les étudiants et les Erasmus […], mais nous n’avons pas fait ces démarches.
Comment avez-vous découvert Emmaüs à Iași ?
Thomas : C’est un très grand hasard, on venait d’arriver, il y avait l’air d’avoir un super concert alors on y est allés et on a entendu du français derrière nous. Et là, on tombe sur un volontaire d’Emmaüs ! Sammy. On l’a questionné sur ce qu’il faisait là en tant que français. Maureen, également volontaire en service civique, était arrivée depuis une semaine. Ça a créé des liens. C’était la seule présence française qu’on avait, ça faisait du bien de parler français.
Vous étiez étonnés de la présence d’Emmaüs à Iași ?
Christophe : Oui je ne connaissais pas grand-chose d’Emmaüs en France et encore moins à l’étranger, je ne savais même pas que ça existait. On savait juste qu’en France c’est de la récupération et de la vente d’objets pour en faire du social derrière.
Est-ce que Emmaüs Iași vous a apporté quelque chose pendant votre séjour ?
Christophe : Oui, les personnes rencontrées, qui nous ont fait découvrir la ville et puis ça nous permettait de parler français. Et sur le fonctionnement de choses de la vie quotidienne ici. C’étaient des super ressources pour nous.
Thomas : J’avais beaucoup de temps libre avec mes cours donc on leur demandait ce qu’ils faisaient comme missions et moi ça me tentait d’aider. Pour l’Ukraine aussi on pouvait aider. On s’est toujours proposés. Finalement, on a aidé à déménager des meubles dans une maison (Sârca), on se sentait utile, ça faisait du bien d’être bénévole. On a passé des bons moments, c’était du travail sans se rendre compte. Ça nous permettait de sortir du cadre scolaire, ça nous a permis de passer une journée avec des amis, au-delà du travail. […]
Est ce que vous avez découvert de nouvelles choses sur l’association en étant ici à Iași ?
Christophe : Oui, sur comment ça fonctionne, et tout le principe d’Emmaüs en fait. Mais c’est le fonctionnement ici, on se demande si c’est pareil en France ? On sera plus vif à l’idée de voir un Emmaüs en France, pour comparer aussi avec ici.
Thomas : Je n’habite pas loin de l‘Emmaüs de Wambrechies (Nord de la France), où Maureen est allée charger un camion. Je ne savais pas qu’il y avait un Emmaüs là-bas, c’est une belle coïncidence.
Christophe : Et puis on est venus avec une valise, sans savoir ce qu’il y avait déjà ici, et il n’y avait presque rien pour cuisiner donc Emmaüs nous a permis de trouver des choses.
Thomas : Et moi j’ai trouvé un appareil photo argentique !
Christophe : Et puis là on va bientôt partir, on va devoir laisser des choses malheureusement, donc on va redonner. C’est chouette à savoir pour les étudiants, qu’ils peuvent donner ce qu’ils ne peuvent pas emmener, c’est une façon de faire un don.
Comment vous êtes-vous investis à Emmaüs Iași ?
Christophe : Avec la maquette du Belvédère. C’était le moment où ça allait “dans l’autre sens”, où nous, on apportait quelque chose. A la maison de Sârca, c’est plutôt l’équipe d’Emmaüs qui nous avait appris, et là c’est nous qui avons transmis des connaissances pour aboutir dans un outil qui pourra leur servir plus tard. Et on aime bien faire des maquettes.
Thomas : Je veux préciser aussi qu’avant, on traînait surtout dans le centre-ville. Et là, voir des gens dans la rue, c’est voir des choses qu’on ne voit pas, c’est l’autre côté de la ville et qu’il ne faut pas oublier. On voit qu’ici vous arrivez à construire des choses sans béton, avec du matériel de récupération comme les bureaux, c’est quelque chose qu’on n’apprend pas à l’école, c’est vraiment de la débrouille donc c’est très sympa.
Vous avez parlé d’Emmaüs autour de vous ?
Christophe et Thomas : A nos amis en France oui, mais pas vraiment aux étudiants roumains. On compte aussi en parler quand on retournera à l’école en France, Emmaüs a pris une part importante de notre séjour ici, donc on en parlera forcément.
Merci Christophe et Thomas pour tout ce temps que vous nous avez accordé !