Portrait du mois : Eva et Maureen, volontaires à Emmaüs Iasi (sept. 2022)

Fin août, nos deux services civiques Eva et Maureen ont fini en même temps leur mission au sein d’Emmaüs Iasi. La première, âgée de 20 ans au début de la mission, était là pour huit mois tandis que la deuxième âgée de 25 ans, y a passé un an. C’est l’occasion pour nous aujourd’hui de revenir sur leur expérience, savoir ce qu’elles en retiennent et en apprendre davantage sur l’association à travers leurs yeux.

Bonjour les filles ! Première question : comment avez-vous entendu parler d’Emmaüs Iași, et pourquoi rejoindre cet organisme particulièrement ?

Eva :  J’en ai entendu parler grâce au site du service civique, je cherchais un stage pour ma formation donc je suis allée sur le site du gouvernement pour trouver une mission. Je savais que je voulais une mission à l’étranger et j’ai trouvé l’offre d’Emmaüs Iasi. La Roumanie, c’est un pays qui m’intéressait et dans lequel je n’avais jamais eu l’occasion de partir. Cette mission me plaisait bien parce qu’il y avait un lien avec le public qui était important, et que c’est une association que je connaissais en France et dont je partageais les valeurs. Et ça rentrait aussi dans le cadre de mon stage, c’étaient les mêmes attendus de la part de mon école par rapport à ce que le service civique proposait.

Maureen : Pareil pour moi, j’étais un peu dans une période de transition, je sortais de mes études et je me disais qu’avant de chercher un boulot je voulais faire une mission sociale à l’étranger. Je suis tombée sur cette annonce et ça me plaisait parce que c’était super divers dans les activités.

Quelles étaient chacune vos missions principales au sein de la Fondation ?

Eva : J’ai participé aux maraudes au courant du mois de janvier et cet été, j’ai beaucoup été au Belvédère, notamment avant l’été pour tout ce qui est plantation des légumes. Avec la guerre en Ukraine, j’ai participé au déchargement des camions, à la mise en place du centre d’hébergement sur Iasi et au chargement du matériel qui était envoyé pour l’Ukraine. Acôté de ça, je participais à l’écriture de la newsletter d’Emmaüs avec notamment la traduction en anglais. Et sinon, c’est plus de la vie quotidienne avec les compagnons.

Maureen : Pareil, j’ai été pas mal au Belvédère, donc j’ai suivi l’évolution qui était là-bas et globalement je faisais un peu les mêmes activités que les compagnons, l’idée c’est de travailler avec eux, donc du tri de vêtements, de l’agriculture et pas mal faire le chauffeur. A mon arrivée j’ai rejoint l’équipe qui construisait deux nouvelles pièces pour que Costel et Viorel, les deux compagnons qui vivent sur place, aient un nouvel endroit confortable où loger. Ça a pris du temps, un ou deux mois, mais ça avançait plutôt vite dans le sens où c’était urgent puisque l’hiver, assez rude en Roumanie, arrivait, donc il fallait se dépêcher. Il y avait aussi l’activité de maraudes.

Les missions s’articulaient-elles avec vos centres d’intérêt ? Si oui, comment ?

Eva : Pour ma part, il ne s’agissait que de choses que je n’avais jamais faites auparavant, excepté les maraudes (j’en avais déjà fait dans d’autres associations), mais je n’avais aucune expérience dans le domaine de l’agriculture, donc c’est vraiment une découverte et j’ai trouvé ça trop bien à faire, j’ai adoré.    

Tu n’avais pas forcément d’attente au niveau des missions ? 

Eva : Si, dans le lien avec le public et c’est quelque chose que j’ai retrouvé pendant ces 8 mois.

Maureen : Pour moi, c’était essentiellement de la découverte dans toutes les missions. Typiquement, l’agriculture était un domaine qui m’intéressait de découvrir, donc j’étais contente de pouvoir y participer.

Et donc est-ce que vous avez pu apporter dans vos missions des choses que vous aimiez ou que vous connaissiez déjà ? 

Eva : J’ai pu aider dans le dossier de demande d’asile d’Ousmane (jeune guinéen que nous avons accueilli pendant plusieurs mois, ndlr), c’est quelque chose que j’avais déjà fait dans une autre association.

Maureen : Puisque je n’ai aucune connaissance en termes de social ou autre activité qui sont ici, je n’ai rien apporté de personnel, sauf sur des activités de construction, dans lesquelles j’ai des compétences et que j’ai apprécié partager […].

Qu’est-ce qui vous a le plus intéressé dans ce service civique ? 

Eva : J’ai bien aimé découvrir comment fonctionnait une association que je ne connaissais pas et en plus à l’étranger, parce que c’est exactement ce en quoi consistent mes études. Les maraudes aussi, c’était hyper intéressant.

Maureen : Moi c’est dur à dire, dans le sens où ce qui m’a vraiment plus, c’est simplement de découvrir, tout était nouveau pour moi donc tout était intéressant.

Eva : Et découvrir la nourriture traditionnelle ?

Maureen : Ah ça oui !! Et même en dehors du travail, juste “vivre à l’étranger”, ce qu’a aussi permis ce service civique.

Qu’avez-vous pensé de la vie ici à Iasi ? Et de la colocation à l’appartement d’Emmaüs ?

Eva : J’ai trouvé ça trop bien de vivre à l’étranger dans un pays dont je ne connaissais rien, donc je n’avais aucune attente, j’étais uniquement dans la découverte, c’était vraiment incroyable. J’ai l’impression que quand on est à l’étranger on va beaucoup plus vouloir découvrir, donc en 8 mois j’ai fait plein de choses. Et en coloc’, je trouve ça trop bien parce que du coup on arrive quand même avec un point d’ancrage et avec des Français autour de nous, ça fait du bien à côté du travail.

Maureen : C’est vrai que la colocation c’était hyper sympathique, en ce qui me concerne je n’en avais jamais fait avant donc c’est une première expérience super positive. Pour ce qui est de la vie ici, je connaissais déjà un petit peu la Roumanie parce que j’avais déjà visité mais c’était la partie très touristique, donc c’est totalement différent. Et l’avantage, c’est qu’il y avait Leïla pour nous encadrer, et Clémentine présente aussi, et comme ça fait longtemps qu’elles sont là, il y avait vraiment le moyen de pas mal découvrir la ville et de s’y familiariser. 

Que du positif donc ?

Eva : Il y a quand même la barrière de la langue au début, ça dure disons les deux premières semaines et ensuite tu arrives à t’exprimer suffisamment pour te faire comprendre au moins. Donc au début, ça peut être un peu déstabilisant et c’est pour ça que c’est intéressant d’être en colocation. 

Maureen : Je dirais que ça dépend de la susceptibilité de chacun, mais l’air de rien il y a quand même une culture différente et il y a certains trucs sur lesquels tu ne comprends pas forcément le comportement des autres. Et ce sont des trucs très bêtes, mais par exemple simplement la proximité des gens globalement, à savoir que quand quelqu’un veut passer, il va te rentrer dedans au lieu de t’éviter. C’est des choses que je ne comprends pas mais qui leur sont naturelles? Tu apprends à t’habituer mais ça fait bizarre au premier abord. 

Quel est le souvenir le plus marquant que vous avez de votre volontariat ?

Eva : Ce qui me vient tout de suite à l’esprit, c’est le jour où la guerre en Ukraine a commencé. C’est ma grande sœur qui m’a annoncé cette nouvelle parce qu’elle était inquiète du fait qu’on n’était pas très loin de l’Ukraine, alors que moi je ne savais pas du tout à ce moment-là que ça avait débuté. Je trouve qu’ensuite il y a eu un sacré changement, les activités se sont en grande partie tournées vers l’Ukraine, plein de nouvelles missions. 

Maureen : Et moi je dirais que c’était à Baia Publica, d’anciens bains publics qui ont été réaménagés en centre d’accueil d’urgence pour les sans-abri l’hiver. L’hiver se terminant, la mairie a déterminé qu’apparemment il n’était plus nécessaire d’avoir un lieu pour loger les personnes qui dorment dans la rue. Baia publica allait donc fermer. On y était alors allé le dernier soir pour y distribuer de la nourriture, des vêtements, des serviettes, tout un kit de choses essentielles, avant qu’ils ne repartent dans la rue. C’était aussi l’occasion de discuter avec eux pour voir si on ne pouvait pas accueillir certains d’entre eux en tant que compagnons. C’était assez marquant, parce qu’on interagissait avec tout le monde, et ils étaient nombreux. C’était émouvant, parce qu’à la fois c’était un moment sympa et en même temps, tu savais ce que ça représentait derrière (qu’ils allaient se retrouver à nouveau dehors). Donc j’en retiens quelque chose d’assez sympa et en même temps, j’avoue que c’était triste. Comme les maraudes en général, j’en ai un sentiment assez mitigé.

Eva : Oh et comme moment marquant, il y a aussi les vacances des compagnons ! A ce moment-là, on vit une semaine avec eux H24,donc on a une vision différente de leur personne. C’était vraiment une expérience incroyable qui s’est très bien passée.

Maureen : Ça me fait penser à la semaine que j’ai passé à vivre à la communauté avec Ema. C’était aussi une très très belle expérience, c’était également l’occasion de les connaître sous une autre forme.

Qu’est-ce que ce volontariat vous a apporté ?

Eva : Déjà, rien que le fait de partir dans un pays dont on ne connaît pas la langue et la culture, ça permet de développer une capacité d’adaptation et de communication qui sont toujours utiles. Même si on ne va pas, par exemple, utiliser la langue roumaine en France, c’est en fait être capable de s’exprimer, d’expliquer ce qu’on veut, accepter les différences culturelles aussi et des différences qu’on ne retrouve pas ailleurs que dans des associations ou à l’étranger. Donc oui, l’ouverture à la communication, le dépassement des différences, l’adaptation à une nouvelle culture, quelque chose de l’ordre de la tolérance.

Maureen : Surtout, je dirais, sortir de sa zone de confort. On est venues pour découvrir quelque chose, donc en fait c’est forcément dans l’idée de s’adapter. Après, je dirais que ça m’a apporté de la patience, mais j’en manque toujours beaucoup (rires). Mais aussi une ouverture d’esprit, c’est-à-dire une autre façon de voir beaucoup de choses globalement…

Pour qui recommanderais-tu ce service civique et pourquoi ?

Eva : Pour les personnes qui ont envie de découvrir de nouvelles choses, rencontrer des gens, c’est hyper important d’être ouvert à l’idée de rencontrer. Et l’envie de vivre une nouvelle expérience, mais ce n’est pas une expérience forcément facile dans le sens où on est pendant plusieurs mois à l’étranger. Donc il faut être prêt à vivre ça et savoir que ce ne sera pas toujours facile. Mais c’est une très belle expérience et je pense que c’est plutôt ouvert à tous tant qu’on a envie de découvrir des choses. 

Maureen : Oui, être a minima ouvert et il y a quand même des choses difficiles auxquelles tu peux être confrontées, ne serait-ce que le fait de t’adapter à un nouveau mode de vie, donc  je dirais qu’il ne faut pas être trop sensible (mais enfin qu’est-ce que l’on défini comme sensible, ça me semble compliqué)…Mais pour les personnes qui nous lisent et que ça intéresserait, si on part dans un esprit de découverte, de dépassement et que tu as envie de te donner à fond dans quelque chose je pense que c’est ok.

Des projets pour la suite ?

Eva : Je suis en 3e année de bachelor de conduite de projets humanitaires […] et je vais encore faire des stages dans des associations comme Emmaüs, je vais finir mes études pour ensuite être responsable de projet dans des associations humanitaires. Donc on peut dire que ce service civique, ça m’a quand même conforté dans ce sens-là. 

Maureen : Et personnellement, j’avais fini mes études de maintenance aéronautique et l’idée serait de chercher un travail dans ce domaine en rentrant en France.

Est-ce que ça vous donnera plus de facilités pour aller dans des Emmaüs en France ou pas ?

Maureen : Y aller en tant que consommateur, oui clairement. Ce n’était pas du tout le cas avant, j’étais persuadée que c’était quelque chose qui était réservé pour les personnes qui n’avaient pas les moyens.

Eva : Moi, je le faisais déjà avant et donc c’est quelque chose que je continue de faire. J’y suis déjà allée depuis mon retour en France, pour meubler mon appartement (Eva a réalisé ce témoignage au téléphone, ndlr).

Dernière question, quel est ton mot préféré en roumain ?

Eva : J’aime bien multumesc (merci), parce que tout le monde galère à le prononcer alors que c’est un mot hyper courant.

Maureen : Et pour moi c’est musafir (invité) mais je ne saurais pas expliquer pourquoi j’aime ce mot.

Des choses à ajouter ?

Merci Emmaüs Iasi !

Un grand merci à vous deux pour le temps accordé pour cette interview et votre implication !