Ce mois-ci, c’est Gelu, directeur et co-fondateur de l’association, qui est interviewé.
Sammy : Gelu, je te laisse te présenter.
Gelu : Je suis Gelu Nichițel, j’ai 48 ans, je suis marié, j’ai deux enfants et je suis responsable d’Emmaüs Iași depuis 22 ans.
Sammy : Quel fut ton parcours avant de créer l’association ?
Gelu : Je suis parti en France à Paris, après mes études. Avec des amis français, nous avons créé une association à Pantin (près de Paris). Ensuite, je suis revenu en Roumanie parce qu’il y avait beaucoup d’enfants qui avaient besoin d’aide. A Iași, on a trouvé une bonne équipe, avec un collègue qui m’a beaucoup soutenu, qui a cru en mon rêve. Avec cette équipe, on a alors créé l’association qui a maintenant 22 ans : “Un coup de main d’Emmaüs Iași” car l’association où je travaillais à Paris s’appelait “Un coup de main”.
Sammy : Pourrais-tu me raconter comment a évolué l’association ?
Gelu : Ca a été très difficile au début, pour avoir de l’argent ou de l’aide matérielle. On a travaillé avec notre président Juan Rodriguez à Paris. Il a constaté qu’il y avait des sans-abri à Paris, qui font la manche. Puis on a commencé à travailler avec des roumains, des rroms, etc…
Ensuite, je suis revenu à Iași avec mon ami Florin Sabie, il était jeune et il a cru en son rêve. Il n’avait pas peur de rénover une maison en ruine et commencer une vie sociale et associative pour les personnes dans le besoin. Pour nous, ça a été très dur. Au début, on a trouvé un groupe de filles qui vivaient seules au centre-ville de Iași. On les a donc amenées à la maison que nous réparions, et la communauté a commencé comme cela.
Sammy : Pourrais-tu maintenant nous parler du Belvédère, de Popești et de la raison de leur création ?
Gelu : La création des autres lieux d’Emmaüs Iași est partie de l’idée de créer, de développer une économie locale, de ne pas toujours dépendre des camions et du matériel qui viennent de l’extérieur. La seconde raison a été de faire une thérapie avec les compagnons. La plupart ont vécu en orphelinat. Pour leur donner confiance en eux et les valoriser dans leurs travail, on s’est dit qu’ils allaient travailler dans l’agriculture ou encore avec des animaux. Nous avons eu l’opportunité d’acheter les trois lieux d’Emmaüs à bas prix.
La maison de Popești « Grégory & Didier”, par exemple, a été donnée par une famille suisse, qui voulait faire la même action sociale que nous, mais qui n’y est pas parvenu et donc, ils nous ont fait confiance pour continuer leur projet à condition que la maison ne devienne pas un business, mais une maison sociale. Je pense qu’on a bien respecté ces conditions. Ce sont des gens super, et on se voit encore.
Sammy : Et tu pourrais me parler un peu plus de ton rôle en tant que délégué national de Roumanie ?
Gelu : Je suis délégué national d’Emmaüs pour la Roumanie. Si quelqu’un veut créer un Emmaüs en Roumanie, il doit passer par moi. Ensuite, je le conseille et l’accompagne.
Sammy : Est ce qu’il y a un ou plusieurs moments qui t’ont marqué durant ta carrière ?
Gelu : Je pense qu’il y a beaucoup de moments. J’ai toujours confiance en moi. Et je crois toujours que si je me mets quelque chose en tête, je vais le réussir, parce que j’ai une patience énorme. Même si ça peut paraître un peu fou de travailler et développer des choses dans plusieurs directions, en Roumanie, il y a des gens qui ont besoin d’une aide sociale. Ici il n’y a pas de protection sociale. Moi, ça me marque de voir les gens qui passent à côté de personnes qui vivent dans la rue sans réagir. Si c’est un chien, tu lui fais un câlin, mais si c’est un homme, il faut peut-être l’accompagner parce qu’il est alcoolique, parce qu’il est malade, etc… La société actuelle est plus tournée vers son intérêt personnel que l’intérêt communautaire.
Je me rappelle d’un autre souvenir, mais négatif. Un jour, un homme est venu et on lui a présenté notre action. A la fin de la présentation, il m’a demandé “C’est quoi ton intérêt ici ? Pourquoi tu ne fais pas de business ?”. Il ne voyait pas l’intérêt que j’avais à faire ça.
Sammy : Que penses-tu de l’actualité de ce qui se passe en Ukraine ?
Gelu : Je pense que maintenant en Europe, il y a un dictateur très fou, qui est arrivé à un certain âge et qui veut rester dans l’histoire. Et avec son orgueil, il veut réunir la grande U.R.S.S d’avant. Il a commencé une guerre avec tout le monde. On a peur d’une personne comme lui, car il a un pouvoir énorme avec l’arme nucléaire. On n’a pas besoin de détruire la Terre entre nous. Pourquoi ? C’est quoi la cause ? On ne veut pas de ça. Je pense qu’il est très fort, il a l’argent, il a le pouvoir, il a tout. Parfois, on devient un peu malade, malade du pouvoir, on veut contrôler le monde. Je pense qu’en Roumanie, on a peur, on a peur de quelque chose. C’est quelque chose que l’on connait pas. On ne sait pas si demain ils vont rentrer chez nous aussi pour nous détruire, mais j’espère que ça ne va pas aller jusque là.
C’est dur de voir des enfants, des mamans, des familles qui se séparent. Hier, ils étaient dans leurs maisons avec leurs familles, leur chauffage, leur amour et aujourd’hui ils sont en guerre. Et j’espère qu’on va les accueillir dans tous les pays car on est citoyens du monde.
Sammy : Merci de m’avoir accordé cette interview. Veux-tu ajouter quelque chose pour conclure ?
Gelu : Sammy, merci pour ta présence ici à Iași, on a eu l’occasion de se connaître et de travailler ensemble. J’espère que cette phase de ta vie passée chez nous en Roumanie va t’aider à voir les choses clairement, différemment. Pour connaître une autre culture, c’est bien d’aller dans le pays concerné.